Notice de S. Murielle Dupuis, sjm
« O Christ, reçois avec bonté, celle que tu as appelée dans ta demeure du Ciel! »(L.H.)
1e partie : Autobiographie, Sœur Murielle Dupuis, sjm
2e partie : rédactrice S. Nicole-de-Jésus, sjm
AUTOBIOGRAPHIE
C’est à Noelville 0nt., petite paroisse du nord, le 10 octobre 1939, que s’ajoutait un 15e enfant à la famille. Comme mes parents acceptaient toujours dans la foi, tous les enfants que le Bon Dieu leur donnait, cette fois-ci, ma venue leur a demandé sûrement une foi doublement plus grande, car j’étais porteuse d’un handicap physique assez important. C’est avec amour que ma mère a courageusement relevé le défi en prenant tous les moyens pour me sauver la vie. Je ne saurais les remercier assez de tous les sacrifices et efforts qu’ils ont déployés, durant les sept premières années de ma vie, afin que je puisse entrer dans la vie comme tous les autres.
Sans doute que dès les premiers instants de ma vie, ils avaient fait don à Dieu de l’enfant qui venait de naître. Je réalise aujourd’hui, que ce don fait à Dieu, je l’actualise dans ma vie de consacrée à Dieu.
Heureusement que j’avais des grandes sœurs, qui pouvaient remplacer maman auprès des autres frères et sœurs, car au cours de ces premières années, ma mère a dû m’accompagner à l’hôpital à plusieurs reprises. À chacun et chacune, je dois un Merci des plus reconnaissants pour m’avoir permis d’être ce que je suis aujourd’hui.
J’ai eu le bonheur d’avoir trois sœurs et un frère qui me suivirent pour compléter notre belle famille de 19 enfants. Très tôt, je crois, j’ai appris à partager les joies, les peines, les sacrifices et le travail selon mes capacités. J’ai appris à vivre en communauté, quoi.
Comme tous les autres enfants, peut-être avec un peu de retard, j’ai pris la route de l’école et terminé avec succès mes études jusqu’à ma neuvième année, à l’école de campagne située à 1 1/2 mille de la maison.
Très jeune, lorsque nous avions la visite de ma tante religieuse, je me surprenais à exprimer tout haut mon désir de devenir religieuse garde-malade.
Septembre 1955:
Dans le but de connaître davantage les religieuses, je demandais ma place au Juvénat des Sœurs de la Charité d’Ottawa, pour terminer mes études secondaires. Ce projet a pu se réaliser grâce à la générosité de ma sœur qui travaillait et qui avait accepté d’aider mes parents à payer mon année d’étude. C’était la première fois que je partais de chez nous, et je crois que c’était un coup très dur à donner. L’ennui se fit sentir durant les premiers mois, mais je ne me suis pas découragée, si bien qu’à la fin de l’année, je faisais ma demande officielle pour entrer au postulat. Après examens et entrevues, la réponse fut affirmative. Enfin, je pourrais réaliser mon rêve de devenir religieuse. Mais une surprise m’attendait; j’appris par notre responsable que ma sœur Lucia avait elle aussi fait sa demande et était acceptée.
Nous revenons à la maison pour quelques mois, afin de finir les derniers préparatifs et faire nos adieux à chacun. Le 1er août 1956 vint le moment du départ de Lucia et moi pour le postulat. Pour mes parents, ce fut un départ difficile à accepter. Nous étions trois à partir dans l’année. Oui, car c’est en avril 1956 que le Seigneur venait nous ravir un jeune frère de 26 ans, dans un terrible accident à la mine. Tous ces événements ont été vécus dans la foi de part et d’autre.
Au postulat, l’adaptation se faisait bien. J’étais heureuse, mais le Seigneur en avait décidé autrement, car en octobre, pour des raisons de santé, les supérieures, après avis des médecins, m’apprirent que je ne pouvais rester en communauté. La déception fut très grande. Ma sœur, voulant alléger ma peine, décida de sortir elle aussi pour m’aider à vivre cet événement. Elle devait revenir en février pour continuer son projet de vie religieuse.
Février 1957:
Après quelques mois d’adaptation, je ne réussissais pas à me trouver heureuse; je sentais toujours le désir de la vie religieuse, donc de me donner aux autres, c’est pourquoi je demandai du travail avec les personnes âgées à l’Hospice St-Charles à Ottawa. Ma tante religieuse était heureuse de m’accueillir. Ce fut pour moi une expérience très enrichissante, qui me permettait à la fois de vivre une vie religieuse privée. Après un an de travail, voyant que ma santé semblait se refaire, et sur l’avis du médecin, je fis une nouvelle demande pour reprendre mon postulat, ce qui fut acceptée à ma grande surprise.
Février 1958:
C’est avec joie que je faisais de nouveau mon entrée au postulat, chez les Sœurs de la Charité d’Ottawa. Nos cœurs étaient à la joie de nous retrouver ma sœur et moi.
Février 1959:
Le grand jour de profession arriva pour ma sœur. La présence de nos parents à ce grand événement remplissait nos cœurs de joies et d’actions de grâces. Mais souvent, nos moments de joie sont suivis de peine. Ce fut pour elle le moment des obédiences, donc la séparation était évidente. Chacune devait répondre au projet de Dieu sur elle. Mon noviciat se poursuivait tout normalement jusqu’au jour où le même problème de santé se représenta. C’est en mars 1959, un Vendredi saint, que notre maîtresse des novices m’apprenait que les autorités avaient décidé de me retourner dans ma famille. Ce fut pour moi un Vendredi saint unique. Avec Jésus, il fallait que je prenne ma croix et qu’avec Lui je cherche ce qu’était la Volonté de Dieu pour moi. Le jour de Pâques, mes parents vinrent me chercher. Laissez-moi vous dire que je n’étais pas vraiment dans la joie de la Résurrection.
Après quinze jours à la maison, me sentant totalement désemparée, je demandai à mes parents de me permettre de retourner travailler auprès des personnes âgées où était ma tante religieuse. Ce qui me fut accordé. Je fis une nouvelle demande auprès des autorités du Foyer de L’Orignal, Ont. La réponse étant positive, je préparai de nouveau mes bagages pour m’y rendre par train.
Aujourd’hui, je réalise combien cela devait être difficile pour mes parents, de voir que je ne me sentais pas heureuse chez nous. Je les remercie beaucoup d’avoir accédé à mes désirs, car mon bonheur devenait aussi leur bonheur.
Après deux ans de travail, au cours desquels j’avais eu l’occasion de faire quelques retraites et autres expériences, je nourrissais toujours le désir de consacrer ma vie au Seigneur. Devant quelques tentatives de projets qui ne purent se réaliser, je pris la décision d’exposer ce que je vivais à un prêtre que j’avais rencontré, lorsque je soignais ses parents. Je me disais: “La réponse que lui me donnera sera pour moi la Volonté de Dieu. » C’est ainsi qu’à ma grande surprise, sa réponse ne se fit pas attendre trop longtemps. Il me suggérait de rencontrer les sœurs qui travaillaient dans le presbytère où il était vicaire. Pour moi, la réponse était claire, car j’avais déjà rencontré cette communauté, il y avait 4 ans, et pour des raisons de distance et d’âge, je n’avais fait aucune démarche pour me joindre à elle. Devant l’échec de mes deux essais de vie religieuse pour des raisons de santé, je crus bon de bien le spécifier aux supérieures lors de ma demande d’admission. Je voulus m’assurer que je n’aurais pas à revivre la même chose dans une autre communauté. Et c’est ainsi, qu’après m’avoir fait passer des examens médicaux par des spécialistes de Montréal, que je fus acceptée au postulat pour le 22 juillet 1961.
Même si je trouvais l’œuvre de cette communauté très belle, je ne peux pas dire que c’est à cause de l’œuvre que j’acceptais d’y entrer, mais plutôt parce que je brûlais d’un grand désir de consacrer ma vie au Seigneur, peu importe ce que j’aurais à faire.
Inutile de vous dire la joie qui m’habitait après le long voyage dans une partie de pays qui m‘était inconnu. J’arrivai enfin à la Maison-mère des Servantes de Notre-Dame Reine du Clergé à Lac-au-Saumon, où je ne connaissais personne, mais convaincue que je pourrais réaliser le rêve que je chérissais depuis mon enfance, me donner au Seigneur dans la vie religieuse. Lorsque je me suis rendue à ma cellule pour prendre un peu de repos, j’étais au comble du bonheur, me disant: « Enfin, je suis arrivée et c’est pour la vie. » J’étais vraiment déterminée à suivre le Seigneur coûte que coûte.
Ayant vécu deux expériences de vie religieuse, je me sentis vraiment « chez nous » et je n‘ai pas trouvé l’adaptation difficile. Au cours du noviciat, le même problème de santé se présenta. Devant l’imminence d’un nouveau renvoi, je suppliai le Père Fondateur, (Abbé Alexandre Bouillon) d’intervenir en ma faveur afin que, si c’est la volonté du Seigneur, il fasse en sorte que je sois acceptée à la Profession religieuse par les supérieures majeures. Mes prières furent exaucées. Était-ce une certaine insécurité devant un éventuel renvoi, qui causait ce problème, je n’en sais rien? Ce dont je suis convaincue, c’est qu’à travers tout cela, le Seigneur se manifestait à moi, et cela m’a permis de faire grandir ma foi et m’a appris à m’abandonner à Lui. Voilà d‘où vient le choix du nom de « sœur Marie de la Confiance » que j’ai reçu à ma Prise d’habit. J’ai développé ainsi, la spiritualité du « moment présent », c’est-à-dire que je voulais avancer confiante dans l’amour de Dieu, sans toujours revenir sur le passé.
Février 1964:
Après une fervente retraite, je fus admise à la profession temporaire. Officiellement, je prononçais mes vœux pour un an, mais dans mon cœur c’était pour toujours. Vu la distance et la température, personne de ma famille ne put venir partager avec moi cette grande joie. Cela m’a permis de passer de longs moments d’intimité avec mon époux à la chapelle. Puis, ce fut le moment des obédiences. C’est dans une grande ferveur et une grande joie que j’acceptai l’obédience qui m’était désignée. Je me rendais à Ottawa avec une compagne qui venait de faire profession avec moi. Le Seigneur me gâtait, car je me rapprochais des miens. J’avais l’occasion de rencontrer ma sœur religieuse occasionnellement, ce qui me permettait d’échanger sur nos projets communs.
Août 1964:
C’était la période des obédiences. Cette fois-ci, on me demandait de poursuivre mes études en vue de devenir infirmière auxiliaire pour travailler au Foyer pour personnes âgées à Lac-au-Saumon. Nouvelle délicatesse du Seigneur. Il venait réaliser pour moi un rêve auquel j’avais renoncé en entrant dans cette communauté. Après avoir prié et réfléchi, j’ai donné une réponse affirmative à ce projet.
Ma vie missionnaire n’aura pas été longue, car je devais me préparer pour commencer mon cours d’infirmière auxiliaire à Matane en septembre 1964.
Même si mon expérience des missions fut de courte durée, cela m’a permis de connaître et comprendre la grandeur de la vocation d’une Servante de Notre-Dame Reine du Clergé. Désormais, je devrai vivre mon rôle de collaboratrice du prêtre dans une autre dimension qui n’est pas moins importante. Être auprès des malades et personnes âgées, c’est travailler au service des prêtres.
Septembre 1966:
Mes études terminées avec succès, c’est maintenant le temps de mettre en pratique ce que j’ai reçu. Désormais, c’est dans la joie que je me dévouerai au Foyer Marie Reine du Clergé pendant 20 ans. Dans un service discret, de nuit (13 ans) et de jour, j’ai tâché d’être pour les personnes âgées et les personnes avec qui j’ai travaillé, un témoin de l’amour de Dieu pour moi.
Septembre 1968:
En guise de grand noviciat, la communauté m’offre une année doctrinale chez les Sœurs du St-Rosaire à Rimouski. Je suis donc libérée de mon travail et c’est avec générosité et ferveur que j’entreprends cette année d’approfondissement de mes connaissances sur la vie religieuse et la vie spirituelle en vue de me préparer au don total et définitif au Seigneur.
Octobre 1968:
Le Seigneur nous réserve un grand détachement, lorsqu’Il rappelle à Lui notre Père aumônier, le Père Émile Blais. Perdre ce guide spirituel était pour moi un dur coup, mais en marchant fidèlement sur la voie déjà tracée, c’est le Seigneur Lui-même qui deviendra mon guide dans tout ce que j’aurai à vivre. J’étais convaincue, qu’en me référant à Lui dans sa Parole, j’aurais toujours la réponse que j‘avais besoin pour poursuivre ma route à sa suite.
Février 1969:
C’est enfin le grand jour de ma Profession perpétuelle, jour de l’oblation définitive. J’avais le bonheur, d’avoir avec moi, ma sœur religieuse pour partager cette joie.
Octobre 75-76:
Toujours en vue d’un meilleur service, la communauté m’offre une autre année d’études pour compléter mon cours d’infirmière. Cette fois-ci, c’est à St-Jérôme des Laurentides que je devrai m’exiler pour un an. Nouveau défi à relever, mais avec la grâce de Dieu, j’ai passé à travers avec succès. De retour au Foyer, j’y travaillerai jusqu’en septembre 1986, jour où le Seigneur, par la voix des supérieures, m’appela à me dévouer à l’infirmerie de la communauté. Nouvelle expérience qui m’a permis de me dévouer plus directement pour ma communauté. C’est ainsi que j’ai appris à mieux connaître mes sœurs et par conséquent à mieux les aimer. C’est généreusement, toujours dans le but de réaliser le plan de Dieu sur moi, que j’ai dû accepter les différentes responsabilités qui m’ont été confiées.
Avril 1980:
Décès du plus vieux de mes frères, qui était mon parrain. Après une maladie apparemment de courte durée, mais fatale, le Seigneur rappela à Lui Maurice. Avec la famille qui pleure amèrement ce départ, je dois moi aussi dire mon « FIAT » à cette volonté de Dieu. Ce détachement est le prélude d’un plus grand détachement puisque 5 ans plus tard en 1985, Il viendra nous ravir nos deux parents. Cette perte est ressentie dans le plus intime de mon être, puisque c’est une partie de mon être qui m’échappe. Dorénavant, je dois vivre dans la certitude que de là-haut ils veillent sur nous en connaissant mieux nos besoins. C’est par la foi qu’ils nous ont transmis que je suis capable de sortir grandie de cette épreuve.
1989:
Année jubilaire: 25e de Profession religieuse. C’est pour moi une année d’action de grâces. Pour mieux me préparer à cette grande fête, j’ai obtenu la permission de faire une retraite de 30 jours. En mai 1989, j’ai eu le bonheur de vivre ces moments de grande intimité avec le Seigneur. C’est dans la prière que j’ai fait un retour sur ma vie, sur le comment je réalise concrètement le plan de Dieu sur moi. Que d‘actions de grâces je dois au Seigneur pour tous ces bienfaits, pour toutes les personnes qu’Il a placées sur ma route; ce qui m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui ! Consciente aussi de toutes mes pauvretés, c’est dans la confiance que je m’appuie sur le Seigneur pour poursuivre ma route.
Juin 1989:
Fête jubilaire. C’est dans la joie de la fête communautaire que vient aboutir le sommet de cette action de grâces. J’avais le grand bonheur d’avoir quelques membres de ma famille pour partager mon bonheur. Pour clôturer, nous nous sommes rendus à Ste-Anne-de-Beaupré faire un petit pèlerinage de famille. C’était très significatif, puisque dès ma naissance, mes parents m‘avaient confiée à la bonne Ste-Anne pour me sauver la vie.
Automne 1991:
Cette année, partageant le travail avec une infirmière laïque sur un 7, je profite de ces moments libres pour faire un peu de ressourcement sur le plan médical et spirituel. Dans le but d’intensifier ma vie de relation à Dieu, j’entreprends de vivre les Exercices dans la vie courante avec une accompagnatrice. C’est à l’intérieur de cette démarche qu’il m’est demandé de faire ce travail. Cela m’indispose un peu, mais pour retirer tous les fruits de mon expérience, je le fais de bon cœur. Même si naturellement, je n’aime pas parler de moi et de ce que je vis, cela me fait prendre conscience de la routine qui s‘est installée dans ma vie, et me rend beaucoup plus attentive à la présence active de Dieu dans tout mon vécu. Je réalise aussi toutes mes pauvretés et mes refus d’amour; c’est pourquoi je profite de cette occasion, pour demander pardon à toutes celles à qui j’ai pu faire de la peine consciemment ou non, par mes attitudes et jugements. À chacune, je demande de me pardonner, comme le Seigneur m’a si souvent pardonné et que j’ai eu moi-même à le faire face à toutes mes pauvretés et limites. C’est ainsi que je veux poursuivre ma route en réalisant le plan de Dieu sur moi là où le Seigneur veut bien me placer.
Ainsi se termine l’autobiographie de sœur Murielle.
Pour la suite de sa notice, nous en référons aux notes précieuses qu’elle nous a laissées.
Du 15 août 1992 jusqu’à 2004, sœur Murielle a été en obédience à la Maison générale à Rimouski, à la Résidence Lionel Roy, à la maison-mère à Lac au Saumon au Pavillon Alexandre et Responsable de la communauté St-Georges.
En 1989, S. Murielle avait eu l’occasion de faire la retraite de 30 jours, où elle a fait un retour sur sa vie et vécu des moments de grande intimité avec le Seigneur.
En automne 1991, dans le but d’intensifier sa relation à Dieu, sœur Murielle entreprend de vivre les Exercices dans la vie courante avec une accompagnatrice. Sait-elle bien où cela la conduira?
Tout au cours de sa vie, sœur Murielle a cherché à réaliser le plan de Dieu sur elle. Après avoir vécu 43 ans dans la belle communauté des Sœurs Servantes de Notre-Dame Reine du Clergé, où elle a goûté beaucoup de bonheur dans le service du Seigneur et de ses sœurs, elle se sent interpelée sérieusement à vivre un plus grand radicalisme. Sa prière et sa réflexion l’ont conduite vers la décision d’aller vérifier dans une communauté contemplative la profondeur de cet appel persistant. Elle note : « Depuis quelques mois, je porte ce projet dans mon cœur… Après quelques démarches, à savoir si tel projet est réalisable dans ma condition actuelle, les réponses étant positives, je m’engage donc dans un processus de discernement dans la prière et l’accompagnement. Pour moi, c’est maintenant que je dois répondre à cet appel car plus tard, il sera trop tard ». Ne pouvant mettre d’obstacle à la volonté de Dieu et au bonheur de sœur Murielle, sœur Gisèle Chouinard, sup. gén., lui donne, bien qu’à regret, son assentiment; sœur Murielle entreprend les démarches nécessaires à son transfert chez les Servantes de Jésus-Marie. Elle note : « Je crois que je pourrai continuer de vivre la mission et la spiritualité des Servantes de Notre-Dame Reine du Clergé car la famille religieuse qui m’accueillera vit une spiritualité très proche de la nôtre… L’Eucharistie et le sacerdoce seront les grandes priorités de ma vie à l’exemple de Marie… Pour moi, c’est la continuité dans ma réponse aux appels du Seigneur. »
« Trouver dans ma vie ta Présence,
choisir d’habiter la confiance
aimer et se savoir aimer. »
CHEZ LES SERVANTES DE JÉSUS-MARIE
C’est le 11 septembre 2004, à l’âge de 64 ans, que sœur Murielle se présente au monastère des Servantes de Jésus-Marie afin de commencer un stage de trois mois qui lui permettra de vérifier si notre genre de vie correspond à ses aspirations profondes. Nous l’accueillons fraternellement et avec grande joie. Au terme de ce stage, le 8 décembre 2004, se sentant toujours à l’aise dans ce qu’elle vit et y goûtant une paix profonde, elle sollicite humblement la faveur de poursuivre au noviciat le temps de probation qui doit l’affermir dans l’esprit de notre Congrégation et de nos Fondateurs.
Sœur Murielle s’y engage perpétuellement le 10 décembre 2007. « Que tes œuvres sont belles… » est le chant qui accompagne l’entrée solennelle pour l’Eucharistie de ce jour que le Seigneur a fait, et présidée par Mgr Roger Ébacher. Celui-ci y ajoute quelques mots en anglais, par délicatesse pour la famille. La croix est portée par le plus jeune de la famille, ce qui a mis beaucoup d’émotion dans les cœurs. Après la cérémonie, nous donnons l’accolade fraternelle à notre chère sœur Murielle qui devient nôtre et la laissons à ses invités qui l’accueillent par une grande ovation. À regret, les Servantes de Notre-Dame Reine du Clergé n’ont pu être présentes.
Et la vie continue. Sœur Murielle est une Servante de Jésus-Marie fidèle et fervente; elle écrit : ce que j’apprécie surtout, c’est que tout soit centré sur notre vie de prière, mission qui nous est confiée dans l’Église. C’est d’abord le service divin. Le travail vient en second. L’horaire est établi de façon à ce que toutes soient favorisées pour la vie de prière. Selon ses compétences, elle aura à mettre à profit ses talents d’infirmière. Son calme, sa maîtrise d’elle-même, son dévouement, sa patience d’ange, son sourire réservé, sa discrétion, etc. en font une infirmière vraiment appréciée.
En vie communautaire, sœur Murielle est une compagne agréable, bien que d’une nature humble et timide; elle apprécie les fêtes et congés communautaires qui sont de bons moments de vie fraternelle. Elle sait s’y impliquer avec joie et délicatesse. Avant de quitter ses sœurs de la communauté des Servantes de Notre-Dame Reine du Clergé, sœur Murielle qui sait reconnaître ses limites personnelles leur avait écrit : « À cause de mes limites personnelles dans la communication, je suis bien consciente que mes relations interpersonnelles n’ont pas toujours été faciles avec mes compagnes et j’en ai beaucoup souffert. C’est pourquoi je demande pardon à chacune si je lui ai fait de la peine et que le Seigneur vienne Lui-même panser et guérir toutes les blessures causées involontairement. » Ses limites l’ont, bien sûr, suivie chez les Servantes de Jésus-Marie. Ce qui ne nous a pas empêchées d’apprécier ses talents et ses nombreuses qualités.
Sœur Murielle s’est toujours montrée très délicate, reconnaissante, respectueuse et disponible entre les mains de l’Autorité. À l’imitation de Marie, elle est une fidèle servante aux dons multiples. Son infatigable dévouement s’est exercé particulièrement comme infirmière, jour et nuit, et sans jamais se plaindre. Elle sait équilibrer son service divin et son service du prochain.
Le 3 mars 2008, elle est nommée coordonnatrice des soins afin d’y entreprendre une étape d’amélioration et de réorganisation de notre infirmerie. Travail délicat, s’il en est un. Le 28 août 2010, nous prévoyons confier ce poste à une infirmière laïque. S. Murielle poursuivra sa tâche d’infirmière auprès des sœurs de la communauté.
Le 25 mars 2014 : De toute éternité, cette journée avait été choisie pour marquer la noce d’Or de quatre Servantes de Jésus-Marie avec leur Époux bien-aimé, dont sœur Murielle. « Jubilez, dansez de joie, rendez grâce à pleine voix ». Après la messe jubilaire, nous nous réunissons pour l’accolade fraternelle. L’après-midi se déroule dans la joie et l’exultation. Pour clore la journée, les jubilaires nous partagent leur action de grâce pour tout ce que le Seigneur a fait dans leur vie.
Le 15 août, sœur Murielle célèbre son Jubilé d’Or avec sa famille. Elle écrit : « Vous parler de l’histoire de ma vocation serait long, mais je veux vous dire qu’à travers tous les appels du Seigneur, j’y ai découvert l’amour de Dieu qui me permettait de vivre dans la sérénité tous les défis que j’ai eu à relever pour actualiser le moment présent, une réponse généreuse aux nouveaux appels du Seigneur. Merci pour cette belle rencontre de famille avec ses surprises. Merci pour ce beau cadeau que vous êtes pour moi! »
Le 2 septembre 2015, s’établit la centralisation des soins sous la direction de notre bon Dr André Moreau. À partir de ce jour, S. Murielle n’exerce plus la fonction d’infirmière. Elle est nommée assistante à l’infirmerie jusqu’en 2021, date où elle en devient responsable.
La santé de S. Murielle n’est pas florissante. Ce qui lui donnera l’occasion de vivre dans le concret du quotidien l’oblation faite d’elle-même à Jésus Prêtre et Hostie par les mains de Marie. Au cours des années 2017 à 2023, elle dut subir plusieurs interventions chirurgicales.
Juin 2017, elle est opérée au genou gauche. Le 29 mai 2018, elle est hospitalisée en raison de problèmes cardiaques. Le 3 mai 2019, elle subit l’opération au genou droit; opération qui lui fut particulièrement douloureuse en raison d’une infection. Notre sœur est immobilisée durant plusieurs mois et l’opération reprise deux autres fois.
Sournoisement, la maladie se fait une place dans sa vie. Avec grande générosité, sœur Murielle supporte aussi d’autres malaises. Après divers examens, elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer. Le 12 avril 2022, elle se rend au Centre hospitalier de Maniwaki pour y subir une intervention majeure. À son arrivée, le chirurgien l’attendait, car il avait décidé de ne pas l’opérer; sœur Murielle choisit l’opération, mettant toute sa confiance dans le Seigneur. À son retour, elle devient résidente à l’infirmerie dans l’attente de traitements de chimio. Ayant reçu un premier traitement d’hormonothérapie pour son cancer, celui-ci n’ayant pas donné le résultat espéré, elle choisit de se soumettre à la chimio. Le 14 novembre, on lui transmet la pénible nouvelle qu’il n’y a plus rien à faire dans son cas sinon d’être suivie en soins palliatifs. C’est un choc pour notre sœur qui était prête à tout investir pour retrouver la santé. Jour après jour, elle assume cette réalité. Notre prière et notre affection l’accompagnent dans cette montée pascale. Elle avait écrit déjà : « Si je regarde Marie, je crois que, comme Elle, j’ai à redire à chaque instant mon « OUI » au Seigneur en attendant sa venue. » Comme elle a toujours désiré réaliser le plan de Dieu sur elle, elle accueille ce verdict déroutant avec foi et amour; bien que très souffrante, nous la retrouvons calme, abandonnée et sereine devant ce passage du Bien-Aimé; nous l’entendrons souvent prier : « Viens Seigneur Jésus! »
Lundi 23 janvier 2023, avant l’heure de Vêpres, nous sommes près d’elle. Une sœur lui dit que Jésus s’en vient la chercher, elle murmure à plusieurs reprises : « J’ai hâte! » Comme elle ne semble pas mourante, nous la quittons pour la prière. À 19h 30, nous retournons à la chapelle pour l’Office des Complies avec le désir de revenir auprès de notre chère malade. Quelle surprise en apprenant qu’au moment où nous chantions « en tes mains Seigneur, je remets mon esprit », notre Dieu d’amour était passé cueillir notre bien-aimée sœur Murielle pour son paradis de gloire; alors s’éteint sur terre la petite flamme de sa lampe pour se rallumer au Ciel éternellement. Elle est partie discrètement comme elle a toujours vécu. Nous savons qu’elle désirait cette rencontre de tout son cœur. La certitude que notre chère sœur Murielle est partie vers le ciel nous aide à accepter ce départ.
Notre sœur était âgée de 83 ans, comptant près de 62 ans de fervente vie religieuse, dont 42 chez les sœurs Servantes de Notre-Dame Reine du Clergé et 19 ans dans notre Congrégation. Qu’elle jubile en Jésus son Sauveur dans la louange sans fin des élus de Dieu!
La liturgie des funérailles est célébrée le 28 janvier, présidée par le Père Bernard Cantin, c.j.m. et assisté de Mgr Jean-Charles Dufour, aumônier. Parmi la nombreuse assistance, ses 4 sœurs, un frère et un beau-frère, plusieurs sœurs de la Charité d’Ottawa et des amies, sont venus lui rendre un dernier hommage. L’inhumation au Cimetière Notre-Dame eut lieu le 30 janvier.
Merci, chère sœur Murielle pour le témoignage d’une vie consacrée vécue avec une amoureuse fidélité. Votre souvenir restera gravé dans nos cœurs à jamais.
« Seigneur accueille-la dans la lumière de ton visage! »