Notice de S. Françoise Gareau, sjm (S. Marie-des-Neiges)
« Au Paradis de Dieu, elle recevra l’Héritage promis. » (L.H.)
« IL M’A AIMEE LE PREMIER. »
Notice écrite par elle-même.
Je suis née et j’ai été baptisée le 17 décembre 1920 sous les noms de Marie, Madeleine, Françoise, à Saint-Jacques de Montcalm, paroisse surnommée le « noviciat intercommunautaire » parce que toutes les communautés s’y recrutaient. Dans un pèlerinage à Sainte-Anne de Beaupré, mon père, Hector Gareau, avait dit : « Bonne Sainte-Anne, je ne suis pas digne d’avoir un prêtre, obtenez-moi la grâce d’avoir une religieuse dans ma famille. »
Ma mère, Desneiges Camilla Martineau fut la femme forte qui, non seulement assura le double vêtement à sa nombreuse famille, mais se dévoua de toute son âme pendant de longues années pour venir en aide à son fils missionnaire en Afrique.
La prière de papa fut pleinement exaucée puisque le Bon Dieu choisit deux prêtres et cinq religieuses dans notre famille. Nos bons parents eurent la consolation de recevoir la médaille Pro Ecclesia et Pontifice en 1954.
Je suis la sixième d’une famille de dix enfants. Préparée par ma grande sœur Thérèse, je fis ma première communion à cinq ans, en 1926. C’était l’année suivant la canonisation de la petite Thérèse. Maman éprouva un grand attrait pour la nouvelle sainte et mit son portrait dans un grand cadre au-dessus de son lit. J’ai été confirmée le quatre juin 1927, par Mgr Guillaume Forbes. À ma communion solennelle à 11 ans, sur une soixante de communiants, j’eus la faveur d’être choisie pour lire l’Acte de consécration à la Sainte Vierge.
Thérèse m’apprit vite à lire et il se peut que l’Histoire d’une âme ait été mon premier livre lu en entier. Chose certaine, mon attrait pour la vie contemplative cloîtrée date de mon plus jeune âge. Mais, fait curieux, je n’ai jamais songé à entrer au Carmel.
Je suis entrée à la petite école en 1926. Mon instruction primaire fut tronquée Pour venir en aide à ma bonne maman qui avait eu son dernier bébé à un âge avancé, je fis les 6e et 7e années seule, à la maison. Chaque soir, j’allais simplement prendre le programme auprès de la maîtresse. Ensuite, je fis un an de pensionnat à Saint-Jacques, puis deux ans à l’École normale de St-Jérôme pour obtenir le brevet supérieur d’enseignement en 1939.
La pensée de la vie religieuse ne m’avait jamais quittée. Témoin des gros soucis financiers de nos bons parents, après l’entrée en religion de cinq de leurs enfants, je voulus leur aider quelques années. Je fis trois ans dans l’enseignement, puis avec un salaire bien supérieur, trois ans au service civil à Ottawa. Je portais au cou une belle médaille dorée de la Sainte Vierge et Marie m’a toujours protégée.
Un jour, Mon confesseur, vicaire à la cathédrale, qui était au courant de mon projet de vie religieuse me dit : Si c’est la question de la dote qui te retarde, je trouverai facilement des bienfaiteurs. De l’autre côté de la rivière, il y a une belle petite communauté, fondée au Canada : les Servantes de Jésus-Marie. Ces religieuses ont l’exposition du Saint-Sacrement et prient pour les prêtres.
Je vins passer une fin de semaine. On me donna des numéros de l’Écho du cloître comme lecture. Ce fut le coup de foudre! C’est bien cela que je voulais. Quelques mois plus tard, le 21 novembre 1944, j’entrais au monastère. Très vite, je me sentis chez-nous dans ma nouvelle famille. L’esprit liturgique me charmait. Je goûtai intensément le temps de l’Avent, puis celui de Noël avec le réveil des anges, etc. Ce qui n’empêcha pas les larmes de perler lorsque ma grand’mère m’écrivit que papa allait s’asseoir chez elle pour pleurer mon départ.
La plus grande épreuve des premières années de ma vie religieuse fut de changer de maîtresse de formation sept fois entre le postulat et ma profession perpétuelle en 1951. Tout est grâce! Jésus voulait que je sois un petit jouet entre ses mains, selon l’expression de la petite Thérèse. Il me fit rouler dans nos sept monastères et je remplis successivement tous les emplois (22, en incluant la reliure qui n’existe plus), sauf l’économat. Je puis me rendre le témoignage de n’avoir jamais mesuré mon dévouement à l’inclination plus ou moins grande que j’éprouvais pour telle ou telle fonction. Le service divin demeurait mon avant toutes choses. J’ai été admise à la vêture sous le nom de sœur Marie-des-Neiges en 1945, année qui marquait le cinquantenaire de notre congrégation J’ai fait profession en 1947. Une grande faveur était accordée à ma famille par l’ordination de mon frère Mathias, o.m.i. en notre chapelle en 1948. C’est au royaume de Marie que je prononcé mes vœux perpétuels en 1951.
Dès mon enfance, j’étais faible de santé et la maladie sous diverses formes m’accompagna du postulat jusqu’à la vieillesse. Merveille que l’on m’ait gardée! Au cours d’une mise au repos, on m’apporta des cahiers de notre Père Fondateur. C’est l’origine de mes pièces : Le Poverello de Masson et le Procès diocésain de notre bon Père. Tout au long de ma vie, lorsque j’ai eu à traverser un tunnel, un prêtre du Seigneur a su éclairer ma route. J’ai eu l’avantage de vivre avec un bon nombre de sœurs qui avaient connu notre Père Fondateur. En chacun de nos Nazareths, j’ai apprécié la chaleur de la vie communautaire.
Je rends grâce à Dieu pour la tendresse dont Il m’a entourée depuis ma naissance. Merci à nos Mères et sœurs pour le soutien constant de leurs bons exemples. Merci pour les égards dont vous entourez ma vieillesse. Je demande pardon à celles auxquelles il m’est arrivé de faire de la peine. Et, de notre Sauveur miséricordieux, j’attends la rémission de tous mes manques d’amour. Je compte sur vos prières jusqu’à la fin.
À chacune, je redis : Au revoir, au ciel!
31 août 2012
AJOUT A L’AUTOBIOGRAPHIE DE SŒUR FRANÇOISE
Demeurée toujours bien attachée à sa famille, au cours du mois de décembre 2015, sœur Françoise a exprimé plus d’une fois son désir d’aller à l’infirmerie des sœurs de Ste-Anne où se trouve sa sœur Jeanne. Après consultation auprès de notre directrice des soins et de celle des sœurs de Ste-Anne, à Lachine, sachant qu’une place était disponible, Mère Marie-du Bon-Pasteur se rend vérifier auprès de notre sœur si son désir persiste toujours. Le 4 janvier, sœur Françoise écrivait : J’aimerais vous exprimer toute ma reconnaissance pour mon transfert à Lachine qui me réunit à ma famille. J’ai beaucoup aimé la vie religieuse, ici, chez les Servantes de Jésus-Marie… C’est avec paix et sérénité que je quitterai la maison-mère des Servantes de Jésus-Marie pour me joindre aux sœurs de Sainte-Anne. Elle reçoit donc son obédience pour l’infirmerie des sœurs de Sainte-Anne le 14 janvier 2016.
Le départ est fixé au 20 janvier. Nous lui souhaitons d’y vivre des jours paisibles et la joie de revoir les membres de sa famille. Que Marie l’accompagne dans cette nouvelle étape de sa vie, qui la préparera à la rencontre ineffable avec Jésus, son Bien-Aimé.
Nous gardons une fraternelle relation avec notre sœur Françoise et recevons toujours avec joie de ses nouvelles. Sœur Françoise se dit toujours très reconnaissante pour tout ce qu’elle reçoit, tant des Servantes de Jésus-Marie que des sœurs de Sainte-Anne. Elle nous écrit : oui, je suis bien soignée chez les sœurs de Sainte-Anne. Marie-Reine m’écrit souvent de belles lettres ; Jeanne vient me voir tous les jours, sans en manquer un seul. Vous voyez comme je suis gâtée ! Je n’oublie pas le temps où j’étais avec les Servantes de Jésus-Marie. Les bons mots que vous m’adressez sont toujours plus beaux les uns que les autres. Gratitude réitérée.
Le 24 juillet 2018, on nous informe que sœur Françoise baisse beaucoup. De fait, le 25 juillet, fête de Saint-Jacques, nous apprenons qu’elle est entrée en communion éternelle avec son divin Époux, après 97 ans de vie heureuse et généreuse et 73 ans de fervente vie religieuse.
La liturgie des funérailles est présidée par notre aumônier, Mgr Jean-Charles Dufour, le 1er août 2018. L’inhumation au Cimetière Notre-Dame suit immédiatement. Quatre religieuses des sœurs de Sainte-Anne, dont sa sœur Jeanne, sont avec nous pour lui rendre un dernier hommage.
« Accueille ton enfant, Seigneur, dans ta demeure éternelle ;
qu’elle voit la douceur de ta Face ! »(L.H.).